Aleph, Colloque, CP - Aleph

25ème colloque de l’ALEPH et du CP-ALEPH – Sublimation et symptôme

Programme du colloque sublimation et symptôme : Cliquez ici

Bulletin d’inscription : Cliquez ici

 

Freud définit la sublimation comme un destin paradoxal de la pulsion, grâce auquel elle obtient sa satisfaction en échangeant son but sexuel originaire contre un autre but qui n’est plus sexuel.

 

La sublimation

C’est en 1905, dans les Trois essais sur la théorie sexuelle, que Freud cherche à déterminer un type particulier d’activité humaine (la création – littéraire, artistique ou intellectuelle) qui, sans rapport évident avec la sexualité, puise néanmoins son énergie dans la pulsion sexuelle – celle-ci étant donc déplacée vers un but non sexuel dans des objets socialement valorisés. Pour Freud, la pulsion de savoir de l’enfant apparaît comme la première émergence de sa vie sexuelle. L’enfant échafaude de riches « théories sexuelles infantiles » autour de la naissance et de la différence des sexes. Ce moment prend fin avec la période de latence causée par un puissant refoulement de la libido sexuelle. Freud esquisse trois évolutions possibles du lien entre pulsion et savoir chez l’enfant :

1) Le désir de savoir est inhibé en même temps que la sexualité ;

2) la répression de l’investigation fait retour sous forme de compulsion ou d’obsession, et la pensée est sexualisée;

3) la libido se soustrait au refoulement et la pulsion sublimée se met au service de l’intérêt intellectuel.

Freud émet cependant des réserves à propos de cette troisième voie – la plus rare – qu’il explicite en 1910 dans Un Souvenir d’enfance de Léonard de Vinci. L’artiste italien a sublimé sa pulsion sexuelle en une pulsion de recherche toute puissante qui a engendré à la fois un amoindrissement de sa vie sexuelle et une inhibition artistique : il arrive de moins en moins à terminer ses œuvres.

Le destin pulsionnel de la sublimation, lorsque celle-ci se met en place – ce qui n’a rien d’évident chez la plupart des individus –, n’empêche donc pas, le plus souvent, la formation de symptômes.

 

Le symptôme

Encore faut-il bien distinguer le mécanisme de la sublimation de celui de la formation de symptôme : le symptôme satisfait la pulsion en substituant un signifiant à un autre signifiant, tandis qu’en changeant le but de la pulsion, la sublimation évite précisément cette substitution liée au refoulement. C’est pourquoi la sublimation ne se prête pas au déchiffrage et doit donc s’aborder autrement que le symptôme dans la cure psychanalytique. Plus inquiétant, Freud montre dans « Le moi et le ça » (1923) qu’elle conduit à un abandon de l’objet qui expose le sujet à un risque mélancolique. Dès lors, en arrière-plan de l’action créatrice se dessine un horizon mortifère : la sublimation s’associe étroitement à la pulsion de mort, d’où la « désexualisation » qui l’accompagne.

 

Élever un objet à la dignité de la Chose

Mais, interroge Franz Kaltenbeck dans L’écriture mélancolique (2020), « si l’on abandonne le but sexuel, qu’advient-il de la pulsion ? » En effet, Lacan critique avec humour l’hypothèse freudienne paradoxale d’une « désexualisation1 » de la pulsion dans la sublimation : « Pour l’instant, je ne baise pas, je vous parle, eh bien! je peux avoir exactement la même satisfaction que si je baisais2. » Et il ajoute « C’est ce qui pose, d’ailleurs, la question de savoir si effectivement je baise », montrant ainsi qu’une libido désexualisée est un non-sens. Lacan a cherché à repenser le but du processus sublimatoire en inventant cette formule : la sublimation élève un objet à la dignité de la Chose3. La Chose est empruntée au concept de das Ding chez Freud, qui désigne une jouissance, située au-delà du principe de plaisir, qui m’est inatteignable dans l’autre comme dans moi-même. Cette « élévation » signifie qu’un objet singulier de la réalité, une œuvre de l’artiste, réussit à émouvoir l’inconscient de tous en touchant chacun au point exquis de son rapport à la Chose.

 

Le sinthome

À cause de la proximité étonnante de l’artiste avec sa jouissance, qui lui permet la production de quelque chose d’universel, Lacan invite les psychanalystes à « étudier les œuvres d’art non comme des formations de l’inconscient mais plutôt comme des réalisations du symptôme de l’artiste 4 ». Il en apporte un exemple radical dans son séminaire de 1975-1976, avec l’écriture comme « sinthome » chez James Joyce. Cet avatar lacanien du symptôme n’est plus une simple formation signifiante, il n’est plus issu d’un conflit entre le désir inconscient et le moi idéal, mais devient le point d’appui du sujet face aux aléas de sa vie, voire face aux événements qui pourraient déclencher une psychose.

 

Concluons avec Franz Kaltenbeck, qui nous indique les thèmes dont nous pourrons débattre lors du colloque :

« La sublimation comme le symptôme sont donc tous deux des concepts indispensables de la psychanalyse. On ne peut pas substituer le sinthome lacanien à la sublimation. Il serait toutefois tout aussi erroné de penser que la sublimation serait un processus normal quand le sinthome ne serait qu’une structure pathologique. L’essai de Freud sur Léonard démontre que la sublimation ne permet pas toujours d’éviter le symptôme ou l’inhibition. Tant la sublimation que le sinthome vont au-delà du principe de plaisir. Mais la différence entre eux réside dans le fait que la sublimation aborde le réel avec l’aide du semblant, tandis que le sinthome fait déjà partie du réel. Le sinthome, inventé par Lacan, est la preuve de l’urgence de l’art face non seulement au malaise mais aussi au danger dans la civilisation. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *